L’intrus

Louison jeta à moitié son sac sur son lit en entrant dans sa chambre. Son cours de l’après-midi était annulé et elle avait décidé d’optimiser son temps en retranscrivant ses prises de note de la semaine. La jeune femme ne perdait jamais de vu ses études, appliquée et studieuse en toutes occasions. Elle restait consciente de l’importance qu’avaient les événements liant les autres étudiants de sa confrérie, et ne mentons pas s’y amusait, mais ça ne devait pas être au dépend de sa réussite scolaire. Ce qui ne posait aucun problème auprès des siens. La majorité saluait l’excellence presque autant qu’elle. Elle s’était habituée depuis petite à travailler beaucoup et avait conservé ces méthodes qui lui offraient une efficacité remarquable. Lorsqu’elle s’attelait à une tâche elle ne s’éparpillait pas pour ne se concentrer que sur elle, ce qui lui permettait d’obtenir des résultats beaucoup plus rapidement que la plupart. Ainsi elle n’avait aucun mal à embrasser les différents aspects de sa vie étudiante.

Elle s’approcha de son bureau sur lequel s’affrontaient plusieurs piles de documents plus ou moins ordonnés pour chercher à travers les classeurs l’un d’eux qui contenait le sujet auquel elle s’intéressait. Il y en avait des feuilles et des feuilles, manuscrites, schématisées, tapées à l’ordinateur ... Elle savait s’y retrouver sans que le tout ne reste rangé plus de deux jours. C’était peut-être l’un des seuls domaines dans lequel elle ne s’imposait pas une grande rigueur.

Alors qu’elle entre-soulevait un cahier pour regarder ce sur quoi il reposait, elle entendit un son qui n’avait aucune raison de justifier sa présence en ce lieu. Un miaulement. Non pas celui mimé qu’on essayait tant bien que mal de reproduire, mais bien un authentique miaulement provenant d’un chaton qui se trouvait là, à ses pieds. Sevré depuis deux ou trois semaines tout au plus il était minuscule, d’une maigreur à faire peur. Même un animal de son âge était censé être bien mieux portant. S’agenouillant pour réduire l’écart entre eux, l’anglaise observa la bête qu’elle n’effrayait nullement.

« - On peut savoir ce que tu fais ici toi ? »

Seules ses colocataires détenaient la clé de la porte et il lui semblait logique qu’elles fermaient toutes derrière elles. Elle ne voyait absolument pas quand ni comment il avait pu entrer. Surtout, depuis quand était-il prisonnier ?

l'intrusft. louison

Cet après-midi, alors qu'elle s'attendait à son cours préféré de la semaine, Ellie était de bonne humeur. Puis le cours fut annulé, le professeur avait des problèmes de dos et ne pouvait pas se déplacer. Du moins, c'est ce qu'elle avait entendu. À la place de ce cours qu'Ellie appréciait tant, une après-midi à réviser à la bibliothèque se profilait à l'horizon. Contrairement à ce qu'on pourrait penser, Ellie n'aimait pas étudier, ou plutôt, elle n'avait pas vraiment d'opinion à ce propos. Ellie le faisait parce que c'était nécessaire et attendu d'elle, pas parce qu'elle appréciait s'engourdir les mains à force de prendre des notes. Quand elle étudiait, Ellie se concentrait sur ce qui l'attendait. Un futur brillant. Un futur qui ne viendrait à elle que si elle continuait de faire des efforts. Avec cette façon de penser, elle persévérait. Sa sœur jumelle était une foutue musicienne, bon dieu. Ellie était le seul et unique espoir de la famille Byun. Ses parents ne semblaient pas le comprendre, mais bientôt, ça leur viendrait.

Au contraire, quelque chose qu'Ellie aimait était marcher sur le campus. Elle se sentait à la fois chez elle et à la fois sur une autre planète. Un sentiment indescriptible la prenait aux tripes quand elles parcouraient les grands chemins pavés. Elle n'entendait plus rien, que le son du vent et celui des oiseaux.

Puis un miaulement.

Il était passé bien du temps, depuis la dernière fois qu'elle avait entendu un chat miauler pour de vrai. Préciser pour de vrai étant nécessaire, pour la simple et bonne raison qu'Ellie faisait partie de ceux appréciant l'art raffiné des vidéos de chatons. Ellie n'était même pas sûre de la dernière fois qu'elle avait vu un vrai chat, alors quand elle croisa le regard du miauleur, Ellie ne put s'empêcher d'être bouche bée un instant. Petite boule de poils noire, ô voyante dans un buisson vert. Un peu hésitante, Ellie finit par prendre le chaton dans ses bras. Elle n'était pas bonne pour estimer l'âge d'humains, encore moins de chats. Tout ce qu'elle savait, c'est qu'être aussi maigre à cette taille n'était pas normal. Elle le nourrirait puis essaierait de lui trouver un propriétaire sur Internet, c'était mieux que le laisser là.

Du coup, Ellie l'enferma dans son placard, avec un bol d'eau, le temps d'aller lui préparer à manger. Pas de croquettes pour chat dans le placard, évidemment (elle vérifia quand même). Elle cuisina une assiette de poulet, sous le regard curieux des autres personnes présentes dans la pièce. En retournant dans sa chambre, elle entendit une voix. Merde. Une de ses colocs était sûrement rentrée.

En entrant brusquement dans la pièce, elle remarqua d'abord Louison. Puis la boule de poil, qui avait vraisemblablement réussi à sortir du placard, sans doute attiré par l'arrivé de quelqu'un.

« C'est pas mon chat, je compte pas le garder. Je l'ai trouvé pas loin et je veux juste qu'il soit en sécurité le temps de lui trouver quelqu'un. »

Se justifiant, Ellie avait d'abord pris soin de refermer la porte à clé, histoire que personne ne les surprenne, histoire surtout que la situation ne devienne pas plus compliquée. Heureusement pour elle, Louison ne semblait pas si dérangée que ça, pour le moment. Ellie posa par terre l'assiette de poulet et le chat sans nom fonça dessus comme un affamé, ce qu'il était sûrement.

« Y'a un bar à chats sur le campus, je vais voir si je peux le leur confier et sinon je lui trouverais juste un propriétaire sur Internet. »

Ce ne fut pas l'animal qui lui répondit mais la porte s'ouvrant à nouveau pour accueillir Ellie. Les deux étudiantes partageaient leur chambre, en plus d'avoir pratiquement le même âge, d'être entrées en simultané dans leur confrérie et d'étudier toutes deux en droit (à la différence que Louison suivait son premier cursus en finance, mais il fallait bien que leurs similitudes trouvent leurs limites). Loin d'être surprise par la situation elle comprit tout de suite de quoi il était question puisqu'elle se justifia :

« - C'est pas mon chat, je compte pas le garder. Je l'ai trouvé pas loin et je veux juste qu'il soit en sécurité le temps de lui trouver quelqu'un. Y'a un bar à chats sur le campus, je vais voir si je peux le leur confier et sinon je lui trouverais juste un propriétaire sur Internet.

L'idée ne paraissait pas absurde à sa première entente, mais il y avait bien plus à prendre en compte que seulement le fait de l'héberger. Ce ne serait pas l'aînée qui se musellerait sur les notes dissonantes qu'elle trouvait à son plan.

- Tu ne peux pas te permettre de faire entrer clandestinement un animal ici. Tu en as parlé à Hope ? Ou tu ne t'es pas dit qu'il aurait au moins fallu nous prévenir ? L'une de nous pourrait par exemple être allergique.

Saisissant entre ses mains la chétive boule de poils, Louison se releva en le plaquant en un geste tendre contre son torse. Elle poursuivit, ses doigts dans son pelage.

- Je comprends que tu ais voulu l'aider, mais il aurait fallu l'amener chez un vétérinaire qui t'aurais dit comment le nourrir pour qu'il grossisse, avec des croquettes spéciales sûrement. Ça m'étonnerait que du poulet lui apporte tout ce dont il ait besoin. »

Pour dire vrai, elle comprenait sans comprendre. Elle n'avait rien d'un monstre mais son empathie avait tendance à s'évaporer face la misère, surtout celle des hommes. Elle était plus indulgente avec les bêtes dont l'intellect limité expliquait certaines limites, sans s’apitoyer trop souvent pour autant. Tous devaient apprendre à s'adapter ou saluer leur défaite. Elle n'y voyait que de rares exceptions. Heureusement qu'elle savait appréhender la sensibilité des autres plus flexible que la sienne.

l'intrusft. louison

Ellie croisa les bras. Honnêtement, elle n'écoutait même plus Louison. Elle avait compris qu'on lui faisait la morale et comme une gamine, elle n'aimait pas ça. Elles n'étaient pas meilleures amies, mais leur relation était jusque-là cordiale. Sauf que l'une des meilleures choses à faire pour se mettre Ellie à dos, c'était bien juger ses choix. Elle admettait sans difficulté qu'elle n'avait pas toujours raison, mais malgré tout, elle était la seule personne à avoir le droit de remettre en question sa logique.

« Non. J'en ai pas parlé à Sanders, et ? Je l'ai trouvé il y a trente minutes, quelque chose du genre, j'étais censée contacter la ville entière dès que je l'ai aperçu ? Désolée, ma priorité, c'était de le nourrir, sur le moment. »

Roulant des yeux dès que Louison reprit la parole, Ellie savait déjà que cette conversation serait épuisante.

« L'amener chez un vétérinaire, j'aurais pu le faire après l'avoir nourri. Du poulet le sauvera pas, c'est certain, mais c'est un début. Tu comprends que j'ai voulu l'aider, ça s'arrête là. Au lieu de juger mes choix, fais en des meilleurs que moi, si tu le peux. »

Défier les gens, c'était une des nombreuses passions d'Ellie. Au lieu de les insulter directement, les faire douter d'eux-mêmes. Évidemment, Ellie savait que ça ne marcherait pas aussi simplement avec Louison. Ellie pourrait dire qu'elle avait l'air déterminée, sûre d'elle ou des mensonges du genre. La vérité, c'était juste que Louison avait l'air chiante. Avant cette conversation, Ellie n'avait jamais été dérangée par la présence de Louison, puis soudain, c'était comme si elle était son ennemie juré. Si cet étudiant mystère pouvait la descendre, ça l'arrangerait. Ellie n'avait certainement pas envie de se salir les mains. Elle pourrait faire circuler quelques rumeurs, tout au plus. Rien d'une grosse ampleur.

« T'as fini ton monologue maintenant ? Si tu as des idées pour aider la boule de poils, je veux bien les entendre. »

" Non. J'en ai pas parlé à Sanders, et ?

Eillie réagissait exactement comme une enfant défendant sa bêtise tout en sachant avoir fait quelque chose de mal. Louison n'avait pourtant pas été agressive, pas plus qu'elle ne l'avait incriminé ou quoi que ce soit. Elle avait sans méchanceté relevé en quoi la situation était problématique dans le seul but de l'améliorer. À aucun moment elle ne l'avait sermonnée, encore moins sans fondement.

- Je l'ai trouvé il y a trente minutes, quelque chose du genre, j'étais censée contacter la ville entière dès que je l'ai aperçu ? Désolée, ma priorité, c'était de le nourrir, sur le moment. L'amener chez un vétérinaire, j'aurais pu le faire après l'avoir nourri. Du poulet le sauvera pas, c'est certain, mais c'est un début. Tu comprends que j'ai voulu l'aider, ça s'arrête là. Au lieu de juger mes choix, fais en des meilleurs que moi, si tu le peux. T'as fini ton monologue maintenant ? Si tu as des idées pour aider la boule de poils, je veux bien les entendre.

L'accusée leva un sourcil, surprise. Elle ne s'était pas imaginé se voir incriminée de la sorte, de ce qui paraissait être une hargne incontrôlée. Plutôt que de suivre le mouvement elle préféra répondre avec diplomatie en recentrant la conversation sur leur sujet principal.

- Qui a parlé de jugement, si ce n'est toi ? Je ne comprend pas ta réaction, on dirait que je t'ai attaquée, alors qu'il me semble que tout ce qui importe, c'est qu'il aille bien.

Elle s'interrompit à peine le temps de désigner du menton l'animal qu'elle tenait toujours dans ses bras.

- Si ce que tu veux aussi c'est son bien être, autant se concentrer sur ça plutôt que perdre du temps à savoir qui a tort et qui a raison. Et effectivement trouver des solutions. "

Cette bataille inutile ne leur apporterait rien, ni à l'une, ni à l'autre. Louison s'estimait au-dessus de ces disputes puériles, et peut-être s'était-elle menti mais elle avait cru qu'il en était de même pour Elllie. Elle savait que la jeune femme poursuivait presque autant qu'elle l'excellence et elle ne voyait pas comment y parvenir avec ce genre de comportement. Plutôt que de considérer qu'il s'agissait du véritable caractère de l'asiatique, elle lui laissa le bénéfice du doute.

l'intrusft. louison

Surprise, Ellie fronça les sourcils. Pas attaquée ? Elles n'avaient sûrement pas la même définition d'une attaque. Louison avait fait sa je-sais-tout en expliquant point par point ce qu'Ellie avait fait de mal et elle osait se placer comme innocente dans la situation. Ellie avait ses torts, mais Louison avait clairement été dans le jugement. Louison continua, recentrant la conversation sur le chat.

Ellie réalisa qu'elle avait arrêté de respirer quelques secondes. Pourquoi était-elle aussi atteinte par toute cette situation ? Il était évident qu'elle n'était pas en tord, mais elle n'avait peut-être pas raison non plus, qu'elle commençait à se dire. Ellie reprit son souffle, s'accorda quelques secondes pour regarder la situation d'un point de vue extérieur. C'était sa mère, qui lui avait apprit à faire ça.

Dès l'enfance, elle lui avait inculqué que l'humain était idiot, qu'il était un animal qui se croyait juste plus intelligent que les autres. Elle avait commencé par lui raconter des histoires à ce sujet avant de dormir, pour qu'Ellie comprenne ça d'elle-même. Puis une fois qu'Ellie eut assez grandi, elle oublia toute délicatesse. Soit au-dessus de ça, tu n'es pas qu'un simple animal. C'était une erreur, juste un pas dans la mauvaise direction. Louison avait beau l'avoir énervée, elle avait beau peut-être avoir ses torts, elle semblait lui tendre une perche. Ellie pouvait encore se rattraper. Pas la peine de paniquer.

Bien une minute était passé sans qu'aucune des deux n'ait parlé.

Ellie ravala sa salive, et peut-être aussi un peu de sa fierté.

« Désolée de m'être énervée. Cette année, j'ai l'impression de plus être au niveau suffisant pour mes études. J'avais enfin l'impression de faire quelque chose de bien, en essayant d'aider le chat, alors j'étais sur la défensive. »

Ellie elle-même ignorait quelle partie de ces mots était vraie. Elle ignorait encore davantage la partie de son discours qui constituait de vulgaires mensonges. Mentir était naturel pour elle. Sauf que le pire qui pouvait arriver à un menteur, c'était oublier ses mensonges. Heureusement pour elle, ça n'arrivait pas quand on ne savait plus différencier le vrai du faux.

« Du coup, tu proposes quoi ? Déjà, faudrait l'amener chez le vétérinaire, comme tu as dis. Je crois pas qu'il y en a un sur le campus. Je me doute qu'il y en a aux alentours, mais le seul vétérinaire que je connais, il est à Séoul. J'ai pas de voiture, mais j'ai le permis, et toi ? »

Après un court silence, la plus jeune reprit la parole, changeant étonnement de direction une nouvelle fois :

« - Désolée de m'être énervée. Cette année, j'ai l'impression de plus être au niveau suffisant pour mes études. J'avais enfin l'impression de faire quelque chose de bien, en essayant d'aider le chat, alors j'étais sur la défensive.

Voilà qui était inattendu. Si elles étaient forcées à partager beaucoup et qu'Ellie n'était pas des plus taciturnes, elles se confiaient rarement. Louison se sentit prise au dépourvu. Elle-même avait beaucoup de mal à montrer sa propre vulnérabilité alors qu'elle était persuadé que dans certains cas l'exprimer permettait de la surmonter. La taire et la combattre restait ce qu'il avait de plus efficace à ses yeux, mais sa méthode n'était pas universelle.

Souriant avec gentillesse – ni compassion, ni pitié – elle essaya d'apporter son aide comme elle put sans infantiliser ni sous-estimer sa camarade.

- Ce n'est pas grave. Et … Je sais que le droit n'est pas mon cursus principale, mais il n'empêche qu'on suit les mêmes cours. Alors si tu as besoin de quoi que ce soit, ne serait-ce que de quelque pour faire un groupe de travail ou quelque chose dans le genre, n'hésites pas à me demander. On va commencer par finir le sauvetage que tu as entamé.

- Du coup, tu proposes quoi ? Déjà, faudrait l'amener chez le vétérinaire, comme tu as dis. Je crois pas qu'il y en a un sur le campus. Je me doute qu'il y en a aux alentours, mais le seul vétérinaire que je connais, il est à Séoul. J'ai pas de voiture, mais j'ai le permis, et toi ?

Elle réfléchit une minute. Toutes deux étaient dans le même cas, à la différence que même à Séoul, elle ne connaissait aucun vétérinaire. S'il le fallait Louison trouverait bien un moyen de mener leur escapade hors du campus, mais cela retarderait son travail et elle ne voulait pas perdre trop de temps.

- Je n'ai pas de voiture non plus. Après trouver comment partir d'ici n'est pas le problème, mais j'ai peut-être une autre solution.

Marchant jusqu'à son lit elle y déposa l'animal qui n'avait jusque là pas broncher. Sans l'observer s'installer plus confortablement, se recroquevillant sur lui-même comme s'il avait voulu prendre le moins de place possible, elle saisit son sac dans lequel elle chercha son téléphone.

- Tu parlais de ce café avec des chats, je n'ai plus le nom en tête. Ça avait du sens comme idée. On pourrait peut-être aller voir ce qu'ils nous conseillent ? Avec tout ce qu'ils ont chez eux, ils savent forcément gérer les crises comme celles-ci. »

l'intrusft. louison

« On fait comme ça du coup. Je connais un peu la propriétaire, son neveu est en droit aussi je crois, elle devrait pouvoir nous aider. »

Ellie sociable, qui connaissait un peu tout le monde un peu partout. Encore heureux, comment ferait-elle pour s'amuser des rumeurs dont elle se délectait tant, sinon ? Après avoir resserré sa queue de cheval, Ellie attrapa le chat noir, qui semblait fort réticent à l'idée de quitter la pièce chaude. Son cœur se brisait en mille morceaux, en imaginant les pensées qui devaient traverser l'esprit du chaton. Est-ce qu'il pensait qu'elles allaient le remettre dehors ?

Alors qu'elle s'apprêtait à ouvrir la porte, Ellie fut frappée par la voix qu'elle entendait. Hope ? Ellie n'était pas des plus douées, pour reconnaître les voix, mais elle reconnaîtrait celle d'Hope parmi des milliers. Criarde serait sûrement le terme approprié.

« On est à quel étage déjà ? »

Question idiote à laquelle elle connaissait la réponse. Trop haut pour qu'elle s'en sorte sans une jambe cassée. Sanders semblait discuter avec d'autres filles de la confrérie. Quelle bonne idée c'était, de discuter dans les couloirs. Ellie aurait voulu passer rapidement, se faire oublier au plus vite. Cependant, Hope ne laisserait pas ça passer. Il fallait lui dire bonjour, lui demander comment elle allait. Même pour Ellie, papillon social qui supportait la majorité des gens sur le campus, Hope était parfois énervante. Une toute autre espèce.

Elle pourrait mettre boule de poils dans son sac et le laisser un peu ouvert (histoire qu'il respire quand-même), mais elle avait bien peur qu'il fasse du bruit. Pas le choix cependant. Ellie vida son sac de tout ce qui était superflu, histoire de faire de la place. Pas comme si elle allait avoir besoin de son ordinateur pour aller dans un bar à choix, normalement. Elle inspira, expira, fit le vide dans son esprit pour se préparer mentalement à improviser quelque chose, puis fit signe à Louison de la suivre sans rien lui expliquer. Ellie avait pris quelques cours de théâtre, en primaire, peut-être que ça se révélerait enfin utile. Bon, elle avait arrêté après le premier mois, mais Ellie faisait une bonne menteuse.

« Hope ! Je te cherchais, j'ai entendu dire que Cliff avait été surpris avec une autre fille ? Dans les toilettes en plus ! Tu comptes rester avec lui ? »

L'expression d'Hope changea radicalement, elle murmura quelque chose qu'Ellie ne comprit pas et dit au revoir aux filles, assurant qu'il n'y avait aucun problème et qu'elle lui parlerait juste. Pensait-elle vraiment que c'était un malentendu ? Cliff n'était pourtant pas connu pour sa fidélité.

Une fois un peu éloignés de la confrérie, Ellie posa son sac au sol et laissa boule de poils en sortir. Le serrant contre elle pendant un moment, elle le caressa un peu et le tendit à Louison. Une fois son téléphone sorti de sa poche, Ellie vérifia l'emplacement du bar à chat.

« C'est bien ce que je pensais, c'est à côté de Mornin' Betty, pas loin donc, dix minutes peut-être ? »

Si Ellie lui en avait laissé le temps, Louison aurait improvisé tout autre chose. Plutôt que de dissimuler un mensonge mieux valait l’exposer aux yeux de tous. Elle aurait porté le chat bien en évidence, montrant qu’elle n’avait rien à cacher, et aurait prétendu l’avoir trouvé dans les couloirs, voir sa propre chambre si elle n’était pas trop frileuse. En plus de ça, elle aurait questionné son interlocuteur sur sa provenance, s’il pouvait l’éclairer ou avoir une éventuelle hypothèse. Rien de plus que la vérité qui les aurait toutes deux préservées. Pourtant elle ne put agir puisque Ellie la devança. Elle enfoui l’animal dans son sac et sortit de la pièce avant que sa colocataire n’ait le temps d’intervenir. Une fois le pas de la porte passé il était trop tard. Il était toujours trop tard lorsqu’elles rencontrèrent Hope.

« - Hope ! Je te cherchais, j'ai entendu dire que Cliff avait été surpris avec une autre fille ? Dans les toilettes en plus ! Tu comptes rester avec lui ?

Louison se contint au mieux pour ne laisser rien paraître. Si Ellie voulait détourner l’attention de leur leader, c’était réussi, mais ce ne serait pas sans risque. Hope détruisait tout ce qui pouvait menacer le nuage de perfection dans lequel elle évoluait, et l’asiatique venait de devenir un prédateur en attaquant son couple.

- Tu es sûre ? J’ai entendu exactement la même histoire hier, mais il était question d’un certain Théo. »

Ça avait beau ne pas la concerner, elle préféra intervenir pour espérer réparer les pots cassés. Personne n’avait besoin d’un ennemi au sein de sa propre confrérie. Qu’Hope soit rassurée ou qu’elle ne le soit pas, elle n’éternisa pas la conversation et après quelques mots continua à avancer. Les filles, dans le sens inverse, rejoignirent l’extérieur en vitesse. Lorsqu’elles se furent éloignées Ellie libéra leur protégé et le tandis à sa camarade qui le tint dans le creux de son bras.

« - C'est bien ce que je pensais, c'est à côté de Mornin' Betty, pas loin donc, dix minutes peut-être ?

- On verra bien quand on y sera. Tu veux peut-être le récupérer pour le trajet ? »

Après tout, c’était Ellie qui l’avait trouvé et s’en était occupée - enfin, comme elle avait pu. Probablement voulait-elle profiter de sa présence jusqu’à ce qu’on le leur enlève. Elle le lui rendit donc et se mit en chemin. Celui-ci s’étendait sans obstacle, mais il fut autre lorsqu’elles arrivèrent à destination. A travers la vitrine, Louison aperçut un étudiant avec lequel elle avait eu une brève histoire avant l’été et elle n’avait strictement aucune envie de le croiser. Misant sur le fait qu’il ne l’a remarque pas elle entra et si dirigea rapidement vers le comptoir.

« - Bonjour, mon amie a trouvé ce chaton sur le campus et on ne savait vers qui se tourner pour prendre soin de lui. Peut-être pourriez-vous nous renseigner ? »

En attendant la réponse de la serveuse elle jeta un rapide coup d’œil autour d’elle. Elle ne regrettait absolument pas de n’avoir jamais mis les pieds ici en deux ans à la W.U.