Suho's chronicles

AttitudeOn dit que les Coréens sont moins expressifs que les occidentaux, que c'est lié à leur culture. C'est encore plus vrai avec Seo-Jun, ou plutôt Suho. Au premier abord il peut paraître très froid, d'une froideur qui met mal à l'aise. Certains pensent que c'est de la timidité, d'autres du mépris. En réalité il s'agit de désintérêt, de neutralité, ou de choc culturel, comme lorsqu'il ne saisit pas le ton sarcastique d'une blague.

Suho, c'est le mec qui va d'un point A à un point B sans prêter attention à ce qu'il y a autour. Il vaque à ses occupations pendant que tout lui glisse dessus. Du moins en apparence... A l'intérieur, c'est quelqu'un qui se contient énormément. Du reste, il est très difficile de percer sa bulle pour y trouver une place mais si vous y parvenez, vous chamboulerez tout son comportement. Saurait-il seulement se mesurer ? On lui a tant appris à annihiler ses émotions que les dévoiler, même un peu, serait un pari risqué. Solitaire, travailleur et formaté, le concept de relations sociales lui était pratiquement inconnu avant l'université. Voilà qui explique partiellement son handicap à tisser des liens.

Ne te méprends pas. Derrière son calme olympien gronde parfois un orage. Parmi les choses qui l'énervent au plus haut point - et quand je parle d'énervement, je veux dire que même s'il bouillonne à l'intérieur, visuellement il ne fait que serrer les dents sans éclipser la neutralité de son regard -, on trouve les bully et, plus généralement, ceux qui abusent de leur pouvoir. Suho a horreur de voir quelqu'un se faire humilier moralement ou physiquement. Si une telle situation venait à se produire sous ses yeux, il n'est pas certain qu'il reste sans rien faire. C'est d'ailleurs pour cette raison qu'il ne porte pas les Alpha Chi Omega dans son coeur. Sans rentrer dans les détails, il a déjà vu ses membres manquer de respect aux plus faibles. De temps à autre, il y a donc des choses qui le font sortir de ses gonds. C'est comme s'il gardait une colère qu'il n'avait pas l'occasion d'extérioriser bien souvent, comme une rage muette non-identifiée devenant débordante. Ces réactions imprévisibles, bien qu'exceptionnelles, sont toujours encouragées par des comportements humains, et finalement c'est peut-être ça son problème: l'humain.

Plus volontiers que la colère, c'est l'agacement qui survient sous ses airs imperturbables. Les cheerleaders qui parlent fort, ceux qui attirent l'attention sur eux ou la vulgarité sont autant d'éléments qu'il n'appréhendait que peu dans son cercle très fermé en Asie. Et s'il ne manifeste jamais d'intérêt aux nuisances environnantes, il n'en pense pas moins. Il se contente de les ignorer pour préserver son havre de paix, et on ne peut rien deviner de ses réserves. Cette intolérance que nul ne lui connait ne l'aide pas à s'ouvrir. Au fond, il y a toujours cette peur de l'Autre qui le pousse à rebrousser chemin. Plus que de la peur, c'est du découragement.

La situation s'améliore timidement depuis qu'il a intégré sa confrérie. Il est proche de quelques frères, mais cela est le fruit de trois années passées sous le même toit. Ca facilite forcément les liens. Lorsqu'il s'agit de faire de nouvelles rencontres, son problème comportemental persiste. Mais l'expérience universitaire n'est pas terminée...

Background

Kim Seo-Jun naît le 1er février 1997 dans le quartier riche de la ville de Busan, principal site portuaire de Corée du Sud, où il passe la plus grande partie de sa jeunesse à étudier et profiter de son cadre entre mer et montagne. Sa situation privilégiée lui assure une enfance confortable. C'est d'ailleurs grâce à ces conditions de vie idéales, et poussé par sa très ambitieuse mère, Sun-Hi, qu'il se focalise pleinement sur ses études dès le bac à sable. Fils unique, son père décède alors qu'il n'est qu'un bambin. Il ne lui laissera aucun souvenir.

[...]

Seo-Jun est un enfant studieux, appliqué, et imperturbable. Un élève modèle qui parle peu et ne fait jamais de vague. Du reste, tous ses professeurs l'adorent. Encore une fois, l'éducation stricte offerte par sa maternelle ne lui laisse pas trop le choix. Seo-Jun n'a pas le droit à l'erreur puisqu'il est convenu qu'un jour, il reprendra l'entreprise familiale et ça, c'est une responsabilité de taille. Ainsi, on lui apprend à devenir une figure publique modèle qui doit s'intéresser à tout, contenir sa colère face à la frustration, et mesurer ses joies pour paraître raffiné. On lui apprend à être diplomate, à économiser ses mots comme si chacun devait être pesé pour garantir son utilité. On lui enseigne l'art du savoir-vivre et l'art de vivre pour son travail, vivre pour l'argent. Et, bien qu'il s'exécute sans rechigner comme un enfant muselé qui n'a pas les armes pour protester, Seo-Jun n'a pas la moindre envie de suivre les ambitions de sa mère, ce qu'il réalisera bien des années plus tard. S'il se laisse manipuler sans même en avoir conscience, c'est uniquement parce qu'il ne connait pas d'autre option, parce que c'est la voie la plus naturelle à suivre, celle qu'il a toujours connue.

Sun-Hi n'est pas la plus démonstrative des mères. Business woman bourreau de travail le jour, miss mondaine des affaires la nuit, c'est par son absence affective et son intransigeance éducative qu'elle brille dans la vie de son fils. D'ailleurs si vous mentionnez Kim Sun-Hi à un Coréen, vous pouvez être sûr qu'il la connaîtra. Celle-ci est à la tête d'un empire cosmétique qui a fleuri au début des années 90 et fait toujours fureur dans le pays. Un succès qui, bien qu'international, s'étend principalement en Asie. Son expansion fulgurante est la cause de leur déménagement au Japon en 2002 où Seo-Jun, seulement âgé de 11 ans, parfait la langue locale et prend des cours d'anglais appliqué.

[...]

A 16 ans, il est renvoyé seul en Corée, à Séoul, et plus particulièrement chez son oncle dans le quartier multi-culturel d'Itaewon, afin de poursuivre ses études et effectuer un stage dans l'un des laboratoires de sa mère qui, elle, est toujours en déplacement à l'étranger. C'est à ce moment que Seo-Jun découvre un semblant de liberté pour la première fois de sa courte vie. Jin kyung est celui qui lui apprend à prendre le temps, à s'extasier sur l'éclosion d'une fleur, et à profiter des modestes petits cadeaux qu'offre la vie. Il est aussi celui qui lui apprend à boire et l'initie au Soju, un spiritueux à base de riz très populaire dans le pays, et celui qui l'incite à regarder les filles. Sauf que les filles, il n'a jamais eu le temps de s'y intéresser et ça lui passe un peu au dessus de la tête, comme un handicapé sentimental qui ne sait pas ressentir ou plutôt, qui ne sait pas reconnaître, assumer, et ouvrir ses sentiments puisque c'est tout le contraire qu'on lui a toujours inculqué. Toutefois, Jin kyung l'invite au sourire et parfois même au rire, si bien que peu à peu, il se détend timidement, même si sa pudeur l'emprisonne encore. Il apprend que la vie c'est aussi des instants, plus que des projets, et ça c'est quelque chose qu'il n'avait jamais vraiment appréhendé.

[...]

Un peu avant ses 18 ans, Seo-Jun exprime son désir d'étudier dans une école privée américaine, ce que sa mère ne peut qu'approuver. Pour elle, c'est le gage d'une éducation de qualité à un niveau international. Pour lui, c'est le moyen de partir loin, loin de sa mère et, surtout, de la pression qu'elle exerce sur lui malgré et par son absence. L'occasion de s'émanciper davantage. Pour mener à bien ce projet, les deux parties doivent faire des concessions. Seo-Jun, peu enclin à étudier le management international, soumet son envie de se former à la chimie dans le but de se spécialiser à la section recherche et création de produits de l'entreprise cosmétique de sa mère. Celle-ci accepte sans difficulté, admettant volontiers qu'un futur manager avec des skills scientifiques serait assurément une valeur ajoutée à l'entreprise. Quant à elle, elle insiste sur un point. "Tu dois américaniser ton prénom pour réussir et t'intégrer à leur culture, Seo-Jun", ce à quoi il grimace. Il refuse qu'on l'appelle John ou Jim mais il est contraint d'admettre la difficulté certaine qu'auront des étrangers à prononcer son prénom. Il doit donc trouver une alternative satisfaisante. Un nom simple, facile à retenir, et surtout qui ne dénature pas ses origines, il y tient. Finalement, il opte pour Suho, un prénom rendu populaire dans le monde entier par un célèbre chanteur de K-Pop et qui signifie "gardien" en coréen, un sous-entendu sage qui le contente pleinement. Avec un peu de chance, personne n'écorchera son nouveau nom. Les termes du contrat étant remplis, Seo-Jun entame son dossier de candidature pour la Westend University qui, sans surprise, est favorablement reçu par le doyen. Il est accepté et étudiera entre ses murs l'année suivante.

[...]

Après une première année en licence de chimie, un sentiment de liberté s'allie étrangement à un goût d'amertume dans ses pensées nocturnes. Mais pourquoi ? L'arrivée d'un passe-temps inattendu. Grâce à un camarade étudiant avec qui il s'est par miracle lié sur le campus, il se découvre une passion pour le codage informatique. Très curieux, il finit par expérimenter la chose par lui-même et se laisse fréquemment happer par son écran toute la nuit sans dormir. Il progresse en autodidacte mais sent qu'il lui manque une méthode et des bases académiques. La chimie devient alors une corvée, un obstacle à son nouveau jouet, et il devient difficile de vivre devant son écran la nuit pour assurer en amphi le jour, comme une double-vie qui absorbe toute son énergie. Alors il se questionne de plus en plus... La frustration, l'un des sentiments qu'on lui a appris à refouler, le gagne et le disperse.

A la fin de sa deuxième année vient l'heure de faire le point, et il prend une décision pour pallier à son insatisfaction. La passion de la chimie ne l'anime visiblement pas et, au fond, il suit les ambitions de sa maternelle plus que les siennes. Jamais il ne s'est autorisé à fantasmer son avenir en fonction de ses propres désirs, mais après deux ans loin de tout ce qu'il a connu il y voit un peu plus clair. Il décide de changer de cursus, mais le plus dur est d'en informer sa mère qui lui mettra peut-être des bâtons dans les roues. S'en suit une longue bataille où l'un tente de convaincre l'autre sans grand succès. Ca peut sembler anodin mais pour quelqu'un comme Suho, défendre son désir avec ténacité s'apparente à un véritable affront, une rébellion inédite... Sa progénitrice modèle pense que les U.S.A. ont une mauvaise influence sur lui, en fin de compte, et qu'il fait une crise d'adolescence occidentale à retardement. Finalement, elle est tellement accaparée par ses voyages d'affaires qu'elle finit par céder sous une condition: "Tu devras intégrer une fraternité de renom pour te faire les meilleures connexions possibles". Se sachant de nature solitaire et peu bavarde, cette requête le fait intérieurement tiquer mais il l'accepte sans broncher. Il intégrera une fraternité qui ne sera pas le centre de sa vie. Les Phi Sigma Delta, qu'il a pu observer de loin ces deux dernières années, lui semblent tout à fait adaptés à son profil, et ceux-ci auront toutes les bonnes raisons de le recruter. Ce que Sun-Hi ne dit pas, en revanche, c'est qu'accorder à son fils la "distraction" d'un cursus mineur n'éclipse absolument pas les plans ambitieux qu'elle a pour lui. Elle ne lâchera pas le morceau et parviendra à ses fins, d'une manière ou d'une autre.

[...]

Suho a 20 ans quand il rush les Phi Sigma Delta et entame son second cursus à la Westend University. Il est en L1 d'Informatique, et un curieux sentiment le travaille. Il est plus apaisé et enclin à aller vers les autres, une grande première. Ne nous emballons pas trop ceci dit. Ses trois premières années d'études sont rythmées par les décadences de sa confrérie scientifique mais, malgré une volonté de s'intégrer qu'il ne se connaissait pas, son entrain n'est pas non plus à la hauteur de celle de ses frères. Toutefois, il se fait étonnamment bien à la vie grecque. Bon nombre de ses frères partage son mutisme et son asociabilité, mais il y travaille et personne ne lui en tient vraiment rigueur. Il a la sensation de pouvoir être lui-même parmi les autres, une sensation rare et agréable. Le sentiment d'avoir une famille, enfin. Bien-sûr, beaucoup s'amusent à le chambrer. C'est même devenu un défi commun d'inclure Suho le taciturne aux soirées, mais quand il se laisse tenter il sourit volontiers, laissant un quelconque breuvage alcoolisé rosir ses joues après trois gorgées. Et quand ça ne le botte pas il s'éclipse dans sa chambre pour travailler ou pour laisser son esprit voguer dans les méandres de son ordinateur.

En 2020, il rentre en dernière année de licence d'Informatique. Aîné de sa confrérie avec toujours énormément de chemin à parcourir sur le plan social, l'aventure en quête de son identité continue.

Identité
Origines : sud coréennes
Âge : 23 ans
Cursus : informatique/web | Dossier
Promotion : L4
Appartenance :
Spécificité : mémoire absolue

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A toi petit chat ! <3